samedi 12 septembre 2020

Je ne suis plus enseignante d'équitation, un texte pour les amis et les curieux du pourquoi.

 Pourquoi j'arrête d'enseigner l'équitation : 

J'attendais chaque fois de nouvelles étapes de mon changement de plan professionnel pour officialiser la chose. Là, ayant déjà commencé ma formation en CAP Accompagnant Éducatif Petite Enfance, et même mon stage pratique en crèche, il me semble qu'il est carrément largement temps. 

Alors oui, j'arrête d'apprendre aux gens à monter à ch'val. Et j'essaie de vous faire part un peu des résumés de semaines de réflexions qui ont précédé cette décision. 

Comme chacun d'entre vous, je sais que l'on approche de la fin du monde, et cela me rend triste (super triste). 
Le WWF nous confirme aujourd'hui qu'en moins d’un demi siècle, les effectifs de plus de 20 000 populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons ont chuté des deux tiers !

Oui, je sais, comme ça, on dirait qu'il n'y a pas vraiment de rapport avec l'introduction de cet article.  

Mais j'avais trouvé un joli contrat en centre équestre pas trop loin de chez moi. Il y avait des histoires futiles mais qui prenaient des proportions de fou, chacun défendait son bout de gras, côté compétitif comme côté recherche d'exclusivité sur des chevaux de club. Il y avait quotidiennement des reproches qui fusaient, entre humains et aussi envers les chevaux. 

Bref, j'ai démissionné, incapable de modifier cet état de choses, ni de le supporter, incapable aussi de devoir apprendre aux élèves à "forcer" les chevaux, pour qu'ils aient leur quota de dada pendant leur heure de leçon. 

De là cette conclusion : 
La planète est en train de crever, et moi je suis là, 
à supporter des gens qui veulent juste être beaux. 

(C'est exagéré, ils ont bien d'autres besoins, mais c'était ma conclusion) (Et oui, je travaille aussi en tant qu'indépendante mais ça ne sauve pas tout). 

Je sais que les chevaux aident beaucoup les gens, que ce sont de supers médiateurs. 

J'ai essayé d'apprendre à communiquer avec eux de la façon la plus simple, claire et juste possible. Mais sur ce chemin là je ne suis toujours pas arrivée où je voulais. Alors je contemple les nouvelles formations (renforcement positif, je parle de toi) qui me permettraient de faire encore mieux, encore plus juste, encore plus doux etc. Mais ça m'amène surtout à penser qu'en fait, j'ai plus envie de demander quoi que ce soit aux chevaux, à part d'être des chevaux. 

Donc je vais me concentrer sur le fait d'améliorer si possible les problèmes d'environnement et de comportement que les chevaux développent parce qu'ils sont dans un milieu inadapté chez les humains, et je vais aider les humains à adapter au mieux leurs conditions de vie pour que tout se passe bien et que tout le monde soit en sécurité, souffre le moins possible. Je garde cette facette de mon métier, celle qui n'est pas assez recherchée. 

Et je me suis demandée "Ok, qu'est-ce que je fais d'autre, maintenant ?"

Depuis que j'ai des bébés, je me suis beaucoup interrogée et renseignée comme toutes les mamans. J'ai beaucoup lu, je suis passée des sciences équines aux sciences de l'enfance, en constatant évidemment qu'il y avait beaucoup de passerelles entres les deux, notamment pour les apprentissages et au niveau des connaissances qu'on peut avoir sur la nature (largement incomprise) des enfants. 

Autant partir directement sur l'humain : c'est une chose que je ne me sentais pas capable de faire, et notamment pour les petits enfants, parce qu'avant d'en "avoir", je considérais ces êtres étranges comme trop mystérieux et compliqués, fragiles et trop... plein de "trop" en fait. Trop complexes. Je ne savais pas où me situer par rapport à ça, à eux. Maintenant, ça va beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux.

Je veux aider. A défaut de pouvoir sauver le monde, parce que c'est ce que j'aimerais faire, d'une façon ou d'une autre... 

Faire ma part le mieux possible, maintenant, ça va être ça. Me servir de tout ce que j'ai appris en fouillant, cherchant, me renseignant et utiliser cette curiosité et volonté d'aider pour les humains. (En aidant les humains, j'aiderai les futurs chevaux de ces humains aussi.)

L'humain, on finit par trouver ça beau, de l'aider au travers de séances avec son cheval. Je me concentre finalement bien plus là dessus que sur le reste. Or, moi comme tous ceux que j'ai pu accompagner, nous serions tellement plus simplement bons et justes avec nos chevaux si la société développait une empathie, une réflexion basée sur l'échange, l'encouragement, le soutien, la réparation... 

On ne peut éviter toutes les blessures, on peut plus ou moins vivre avec. (Résilience, j'ai encore du boulot avec toi) 
Et c'est tellement dur et contre-nature d'avoir de la bienveillance pour son cheval, quand on n'a pas l'habitude de la vivre dans notre quotidien d'humain. De reconnaître le stress et les émotions d'un animal, quand on ne prend pas nos propres émotions en compte. 

Et la petite enfance précisément ? 

J'ai eu des bébés et c'est mignon, les bébés. Et il y a du travail. Je ne parle pas des jobs (même si également),  je parle du travail pour transmettre faire évoluer la vision des adultes en général envers les petits enfants. Ça ressemble pile poil à ce que j'aurai voulu faire efficacement pour les chevaux.

Parce que je découvre tous les jours des choses, et qu'il y a des choses qui vont dans mon sens instinctivement et d'après mes recherches, les pédagogies positives, le fait d'être hyper à l'écoute et compréhensif, le laisser se développer en expliquant, s'exprimant, le responsabilisant au lieu de chercher à l'adapter au monde d'adulte, et au lieu de chercher à l'éduquer efficacement et vite. 

Je souriais toute seule en me disant que si on arrivait à faire des enfances plus douces et compréhensives, (vaste projet) l'équitation changerait (très vaste projet).

Je vais passer du bon temps avec les enfants, leur faire passer du bon temps avec moi, en découvrir toujours plus sur leur développement et la façon de le favoriser, les accompagner. Parce qu'ils sont l'essentiel, et que je suis capable de le faire à présent. (Merci mes bébés)

Et surtout propager les découvertes, mais ça c'est ce que je galérais à faire pour les chevaux et qu'il faut que j’arrive à faire mieux maintenant. (vaste projet) 

Je continuerai donc à donner quelques rendez-vous ponctuels pour les chevaux, avec ceux que je suivais déjà, et des rendez-vous en tant que comportementaliste, mais l'enseignement de l'équitation en tant que tel c'est fini, clairement; 

Les chevaux, plus tard sous une autre forme peut-être. Ils restent avec moi, ils me composent, mais je les laisse libres de leurs mouvements. 

Je ne juge pas l'équitation, ni les équitants ou les professionnels, parce que je sais que vos chevaux vont bien, pour ceux que je connais ils sont heureux.  

Je ne renie pas le fait que l'équitation soit une bonne chose pur l'humain comme pour les chevaux quand ça préserve l’animal. Mais ça, c'est rare. Que ça le préserve. 

Beaucoup, beaucoup d'héritages, de traditions, de croyances, de dérives qui nuisent dans toutes les disciplines, et je ne participerais plus à ça.

La fin ne justifie pas qu'on passe outre l'état émotionnel et psychique, sans parler du physique... des chevaux. (Ou des cavaliers, pour penser à certains professionnels qui oublient de ne pas nuire); 

On ne se rend pas compte de l'état des chevaux globalement. Il y a des moyens maintenant pour apprendre à le considérer autrement. Pour le lire et voir qu'il y a beaucoup de moments ou clairement on n'est pas dans le plaisir partagé, mais dans la résignation, la crainte, l'ambivalence; On peut passer une vie à rechercher des choses à cheval, et quand on décide que c'est important pour nous de monter sur son dos il faut que lui soit apte à nous porter. Certains passent leur vie à faire en sorte que ce soit le cas... 

J'en suis arrivée au ressenti extrême que finalement, je n'ai pas (plus) besoin d'être portée par un cheval (ça fait déjà quelques années que je ne montes quasi plus, soit dit en passant). Même si certains sont contents de travailler avec vous et de se balader. Pour moi, ce n'est plus la peine. Et même à pied, leur apprendre toutes les choses anti-naturelles qui font qu'on arrive à faire ce qu'on veut avec eux, ben... C'est mignon. Pour nous. Mais ça leur sert à rien en fait. 

A part à préserver l'espèce équine qui disparaîtrait peut-être si on arrêtait l'équitation. Je ne pense pas qu'ils aient ce rôle sur terre, de nous accompagner et nous aider, qu'ils soient missionnés auprès de nous. Je pense qu'on les utilisent parfois gentiment, mais toujours pour nous. 

Je suis contente et enthousiaste quand je vois des gens qui font évoluer la relation aux chevaux et leur usage dans le bon sens, tels tous les saddle fitters, ergonomes équestres, essentiels. Tous les soigneurs d'équidés, qu'ils soient ostéo, shiatsu, masseurs, tout ce qui peut exister. Et tous les scientifiques qui vulgarisent la science équine. Ceux qui arrivent à diffuser les infos, prendre le temps de réfléchir puis ne plus vouloir cautionner la souffrance. Passer les informations et le faire bien. (Big up Clio) 

Merci merci merci. Continuez, merci beaucoup et tout mon soutien. 

On a les meilleures intentions du monde. Je l'ai pratiqué et enseigné : l'attrait du rapport avec les chevaux, tout l'attrait du sport équestre. Essayer de développer au maximum cette compétence et communication - communion - avec le cheval, parce que c'est passionnant. 

Tout ce qui maintenant me semble vain, j'en ai rêvé, c'est par ça que j'ai commencé. Mais j'ai bousillé beaucoup de choses. J'ai fait du mal à beaucoup de chevaux. 

La plupart ne s'en sont pas plaint, ne m'en ont pas tenu rigueur, parce que c'est leur vie, ils en ont eu d'autres avant et après moi et ils ont continué leur route. 

Je suis consciente maintenant que j'ai passé des années à faire du mal, ou à mal faire, ce qui revient au même malheureusement.

Maintenant que je sais mieux, j'ai essayé de faire mieux. Mais en faisant mieux, on se rend compte qu'on ne fait pas assez bien, en tout cas je ne fais pas assez bien. Et le temps que je passe à essayer de faire bien, il n'amène rien de plus pour moi ni pour les chevaux, maintenant. 

Je ne rêve plus du tout de faire faire des choses de folie aux chevaux, de prouver que j'ai un lien spécial et une connexion magique avec le cheval, parce que ça.. ça n'existe pas, en fait hein. La relation existe, mais tout ce qui sert à le prouver, c'est .. bidon

Si vous avez vraiment une bonne relation, et que c'est ce que vous cherchez, une relation saine, équilibrée avec votre cheval, vous n'avez pas besoin de le prouver en fait. 

Alors on veut se le prouver à soi, et quand on voit des choses magnifiques (a priori), entre humains et chevaux, et on se dit que si on n'a pas ça, on a pas de lien ou pas le lien qu'on voudrait avec son cheval. Qu'il nous fasse confiance, qu'il comprenne nos moindres gestes, nos pensées même. (Scoop : vous ne pourrez remplacer son instinct et son troupeau)

Mais pour prouver ça, nul besoin de faire des exercices. La seule chose c'est être en sécurité avec son cheval au quotidien. Le lien, c'est chacune de vos rencontres, et la qualité et l'amour que vous serez prêt à engager avec lui. 

En très grande majorité, les vidéos que je regarde maintenant et qui sont présentées comme sympas, ou belles, ou admirables, montrent des chevaux flippés, en souffrance, stressés, ou au moins avec des signaux d'inconforts et de pression subie, qu'ils arrivent à gérer à peu près, en tout cas sur le moment, mais en aucun cas ils ne sont heureux de démontrer cette folle complicité qu'ils ont avec leur humain; Eux n'ont rien à démontrer. Ils sont. 

Et c'est triste. Pour moi.

Ils aiment interagir, ça c'est sûr, ils nous le disent. Découvrir des choses, apprendre des choses, ils aiment être avec nous, mais c’est sans compter tous les moments où on les forcent, où cette fois là ils n'ont pas envie, ils sont fatigués, pas motivés... Pas assez disponibles à notre goût. 

Ils pensent à d'autres choses, - vous n'imaginez pas le nombre de chevaux qui nous disent ça : je parle de comm intuitive là  - le nombre de chevaux, jeunes, qui changeaient d'endroits, découvraient de nouveaux chevaux, avaient leur vie de troupeau en tête avant l'exercice et la sacro-sainte connexion. On leur en veut, on s'en veut, alors que ma foi... ce sont des chevaux. 

C'est juste NATUREL, qu'ils soient occupés à leur vie de chevaux.  

Alors continuez à faire. Au mieux avec ce que vous savez et êtes. 

Je me dis qu'on fait bien de la peine aux chevaux pour "pas grand chose". (Mais pour vous, c'est peut être la seule raison de vivre, je conçois). Mais je suis sur mon chemin, je n'ai Rien à juger, je n'ai pas vécu vos vies. 

Pour ma part, je présente mes excuses le plus profondément possible auprès de tous les chevaux que j'ai pu blesser ou blesser par procuration en enseignant. De quelque façon que ce soit. En étho comme en classique, en n'importe quoi. 

Et je sais qu'ils m'excusent, alors Merci. Je vous aime. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire