Présentation de l'éditeur
Kako d'Espagnac est un cheval trotteur français, compagnon de loisir d'une jeune femme. Si son profil est assez commun, son histoire l'est un peu moins. En effet, sa cavalière, Hélène Roche, est une éthologiste reconnue, spécialiste du comportement équin. Pendant quinze ans, elle l'a contemplé, observé, scruté, étudié et a engrangé une foule de détails sur sa personnalité, ses émotions, sa façon de les manifester, ses capacités cognitives, ses relations avec ses congénères, sa manière de se faire comprendre des humains ou des chevaux, etc. La récurrence de certaines situations ou, au contraire, le caractère inédit d un événement et les réactions de son cheval l'ont amenée à se questionner sur qui il est véritablement. Grâce à ses connaissances en éthologie, Hélène Roche a analysé chacune de ces anecdotes pour faire parler l histoire de Kako, sans occulter les zones d'incertitudes liées à l'interprétation humaine. Ce livre vous propose un récit à la frontière entre biographie animale et ouvrage scientifique sur le comportement du cheval, avec de nombreux liens vers les autres espèces.
Il s'agit d'observations, de temps, de vie commune, de questionnements (parfois non résolus !), d'une vision passionnée et rigoureuse. C'est beau !
Je vous donne à lire quelques extraits choisis (qui peuvent être longs... parce qu'ils sont intéressants et que je n'aime pas couper les choses intéressantes. Sachant que c'est ceux qui m'ont le plus attiré l’œil, mais il y a sans aucun doute bien d'autres passages qui vous parleront aussi dans les autres pages) (Autre parenthèse : c'est moi qui ai mis certaines phrases clefs en gras) :
"Un
article récent d'une équipe française propose même le cheval
comme un modèle de la dépression. En effet, l'avancée
technologique qui permet d'étudier le cerveau in vivo révèle des
liens entre certains comportements, tels ceux rattachés à un
phénomène appelé "résignation acquise" (ou apprise), et
des états psychologiques de dépression humaine. Cet état plonge le
sujet dans une incapacité à réagir à une situation aversive. Il
est obtenu après exposition à des événements stressants sur
lesquels l'homme ou l'animal n'a pas eu le contrôle. La science
n'est pas seule à progresser. Grâce à l'observation de leurs
patients, les praticiens emploient des techniques nouvelles pour
combattre les traumatismes. L'une d'elle vise à faire envisager au
patient une situation déjà vécue, sous un angle plus favorable.
Les découvertes récentes en neurosciences explicitent son
fonctionnement et de fait, encouragent ce type de prise en charge.
Pour l'homme comme pour l'animal, la clé pour éviter qu'il ne
subisse sans réagir, est de penser qu'à l'avenir il pourra
contrôler la situation qu'il redoute. Le terme "résignation
acquise" ne serait donc pas le plus approprié car la passivité
est surmontable. Il pourrait être remplacé par "résignation
par défaut"."
"Dans
le management d'entreprise, un leader est une personne qui possède
un certain charisme habilement mêlé d'autorité qui permet un
travail d'équipe efficace et en confiance. Ce concept est depuis
longtemps utilisé en éthologie pour décrire des comportements
collectifs parmi différentes espèces animales, mais sous un autre
sens que celui retenu dans le milieu de l'entreprise. Ainsi, un
leader ne choisit pas forcément de l'être. Il s'agirait plutôt
d'un consensus partagé par le groupe qui trouve que l'idée de
bouger est bonne, et suivrait ainsi celui qui en a eu le premier
l'initiative. Classiquement chez les équidés, les recherches ont
porté sur les déplacements collectifs : qui initie le
mouvement, qui mène le déplacement et comment s'y prend-il.
Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, il n'existe pas de
rapport avec le rang hiérarchique. Autrement dit, en sciences, un
leader n'est pas un chef auquel on obéit. Cependant, l'expérience
semble compter car chez les chevaux, les jeunes ne sont jamais en
tête lors de déplacements de groupe dans lesquels se trouvent des
adultes. En revanche, dire qu'il existe une vieille jument leader
dans un groupe est un mythe. Des études récentes sur des chevaux en
conditions de vie naturelle mettent en avant que les chevaux adultes
d'un groupe alternent les initiatives."
"Ainsi,
le hennissement, celui qu'on imite facilement ou que l'on entend en
guise de sonnerie de téléphone portable, "Hiiiii !",
traduit une inquiétude liée à la séparation. Le cheval tente de
garder contact avec des congénères, plus rarement avec l'humain.
Vous l'entendez également souvent en rajout dans des bruitages de
cinéma, dès lors qu'on vous montrera des chevaux, parfois même
dans des documentaires, car apparemment personne ne trouve sexy leur
mutisme."
"[…]
son comportement colle tout à fait avec ce qui est documenté sur la
hiérarchie de dominance chez les chevaux : on est dominant de
manière relative, c'est-à-dire qu'on doit toujours dire "Kako
est dominant sur Luciole" et non "Kako est dominant"
tout court, sans faire référence à qui. […] Il n'y a pas de
dominant absolu, seulement des individus qui n'ont pas rencontré le
congénère qui leur aurait tenu tête."
"Les
premières années, j'appliquais ce que j'avais appris à
l'université : un mot, "Bien !" quand j'obtenais
le comportement voulu, suivi dans le seconde, du bonbon, morceau de
carotte ou de pomme. […] les différentes études réalisées sur
différentes espèces (hormis les chevaux) montraient que l'emploi
d'un signal (lumière, pastille de couleur, mot, bip...) avant la
récompense était plus efficace et pouvait permettre de s'affranchir
de l'aliment une fois le comportement acquis."
"Depuis
ce jour, le code fonctionne, sans mot, et avec tout le monde. Deux
explications sont possibles. La première est qu'au moment où je me
suis positionnée face à lui ce jour où il a réussi,
l'entraînement des minutes précédentes a porté ses fruits et
qu'il s'agissait d'un aboutissement, alors que je pensais que des
étapes supplémentaires seraient nécessaires. Une autre possibilité
est ce que l'on appelle en sciences l'apprentissage "latent".
La séance infructueuse avait fait son chemin dans sa tête et il
avait compris mais n'avait pas eu l'occasion de me le faire savoir
puisque je ne lui avais plus redemandé de croiser face à lui,
pendant qu'il ne comprenait pas."
"Quand
ça marche, tout le monde est content. Pourtant, la partie la plus
déterminante pour qu'un enseignant progresse, est celle de la
confrontation aux échecs. Je m'explique. Suivre pas pas une méthode
est relativement simple. En revanche, savoir s'adapter à la
situation et à la personnalité de chaque élève demande de la
remise en question et de l'observation. C'est là où comprendre les
théories scientifiques de l'apprentissage est d'un grand secours. La
recherche de solution devient alors un jeu intellectuel très
stimulant, alors qu'auparavant le ressenti était plutôt
désagréable. A force, on apprend à gérer sa frustration et une
progression ralentie ou une régression deviennent juste des
"non-événements", comme si l'on s'était trompé de
chemin et qu'il fallait en emprunter un autre. Le plus difficile est
de faire abstraction de l'heure, de l'éventualité d'être en
retard, du regard des autres, etc. On est vite encombré de toutes
ces arrières-pensées. Il est possible en s'entraînant, et
croyez-moi, les occasions de pratiquer ne manquent pas !"
"Il
est par contre des cas où malgré un "remue-méninges" et
x stratégies, les progrès ne sont pas au rendez-vous. Les personnes
qui essaient de mettre en place de nouveaux apprentissages pour
remplacer des comportements indésirables, le savent bien. Comme pour
les humains, il est très difficile d'atténuer les réponses
apprises dans le cadre d'un traumatisme. Et même si l'on croit avoir
effacé le mauvais souvenir, il ne faut qu'une fraction de seconde
pour voir le comportement (fuite, agression par exemple) resurgir.
C'est ce que l'on appelle le recouvrement spontané, qui arrive
lorsque le cheval (ou l’humain!) se retrouve dans un contexte qui lui
évoque la situation stressante. Chez les chevaux, il existe
certaines peurs que l'on pourrait qualifier d'ataviques, c'est-à-dire
qu'elles semblent être présentes chez tous les chevaux et
nécessitent un apprentissage pour les atténuer."
"Dans
la stratégie que j'ai adoptée, on passe d'un événement à peine
prévisible (en forêt, il est assez probable de déloger un
chevreuil dans les fourrés) à un événement prédictible (on est
certain que cela arrive grâce à un repère), car ma voix précède
de quelques secondes l'événement effrayant et donc l'annonce. Des
expériences qui, heureusement aujourd'hui, n'ont plus cours de la
sorte, montrent que des rats préfèrent recevoir des chocs
électriques signalés, même jusqu'à neuf fois plus longs ou deux à
trois fois plus forts, plutôt que des chocs dont ils ne sont pas
avertis. La situation était prévisible (un choc électrique allait
arriver) mais malgré l'aversion forte que ce genre de traitement
suscite, les rats marquent une préférence pour recevoir un
traitement encore plus rude dès lors qu'il est signalé, même
seulement quelques secondes auparavant, plutôt que de simplement
savoir que cela se produira."
"L'emploi
de la punition positive sur l'homme ou l'animal est fortement
critiqué car il fait appel à un rapport de force basé sur la
douleur ou la peur, l'un entraînant souvent l'autre. Y avoir recours
présuppose aussi que celui ou celle qui l'exerce se sente en mesure
de gagner... C'est l'aveu de l'impuissance face à un comportement
indésirable de son élève, qu'il soit un animal ou un enfant. Il
existe un risque à s'en servir, car si jamais la punition est
exercée par une personne en colère, elle est alors employée de
manière disproportionnée et mal à propos et dégrade la relation
entre l'éducateur et l'élève. En revanche, c'est bien elle qui
vient à l’œuvre dans le renforcement négatif.
Lorsque
j'apprends à mon cheval à avancer quand il sent une traction de la
longe sur son licol, je cesserai de tirer dès qu'il fera un
mouvement en avant. Ainsi la fois suivante, le cheval répondra plus
tôt à cette traction pour faire cesser l'inconfort et avancera à
une plus légère pression. Augmenter la probabilité qu'un
comportement se reproduise s'appelle "renforcer". Je
renforce donc négativement le fait d'avancer (j'ai retiré la
pression). Faire diminuer une réponse par une action désagréable
s'appelle "punir". Dans cet exemple, mon cheval n'aura plus
envie de rester immobile quand j'exercerai ma pression, car c'est
désagréable. Je punis donc positivement l'immobilité (la pression
s'applique pour décourager l'immobilité). Dans ce cas, la punition
positive est comprise car il y a une solution autre que d'attendre
que les coups cessent de pleuvoir. La punition intervient comme une
manière d'aiguiller dans l'instant vers la bonne réponse.
Cela
étant, les chevaux entre eux utilisent la punition, disons
"sanction", par exemple en mordant un congénère qui les
aurait bousculés par inadvertance. Pour autant, prendre ce que font
les chevaux entre eux n'est guère un argument valable. En effet,
leur laisser la possibilité de bâtir une mémoire basée sur la
peur ou la douleur revient à hypothéquer notre relation. Dans la
mesure où il est possible de faire différemment, on peut choisir de
s'abstenir de transformer notre mécontentement en sanction. Quant à
la punition négative, elle est plus rarement utilisée dans les
situations d'entraînement. Elle intervient quand on travaille avec
les récompenses, car tant que l'animal ne fait pas ce que l'on
attend de lui, il n'obtient rien, or il sait que nous avons des
récompenses qu'il convoite. Utiliser sa frustration comme
motivation, si cette frustration est modérée, incite l'élève à
proposer des solutions. Lorsqu'il trouve la réponse attendue, il
obtient la récompense. Cela l'encourage à recommencer plus
rapidement. On a donc renforcé ce comportement désiré, et punit
les autres qu'il ne proposerai lus car ils n'ont pas été payants.
Ces principes peuvent sembler froids et mécanistes, pourtant ils
régissent nos relations humaines depuis la naissance Fort
heureusement, cela ne nous dispense pas de mettre de l'empathie et
des émotions dans les principes d'apprentissage, ce qui complexifie
grandement les échanges entre un élève et son enseignant, homme ou
animal."
"Peu
importe, la sanction était clairement inappropriée. Cette
mésaventure m'a montré que mon cheval était capable de porter un
jugement, oui je dis bien jugement, sur mon attitude à son égard,
car en l'occurrence, une réaction inadaptée de ma part avait
provoqué une réaction semblable à de la colère chez lui."
"Les
chiens et les chats rêvent de chasse, on le voit à leurs mouvements
pendant leur sommeil paradoxal, comme cela a été étudié. Mais à
quoi rêvent les chevaux ? Julien Lubrano Lavadera a tenté d'y
répondre en enregistrant les vocalises de chevaux de Przewalski
endormis. Après avoir passé cent quatre-vingt-dix heures sur le
terrain, il a réussit à analyser sept vocalises. Toutes étaient
des appels de contact, qui signifient une salutation amicale. Ce qui
est surprenant est que certains individus ont émis des appels de
contacts spécifiques à certaines situations qu'ils ne pouvaient pas
avoir vécues eux-même : l'appel d'une jument vers son poulain
pour une jument de 2 ans qui n'avait jamais pouliné, l'appel d'un
étalon vers une jument pour des jeunes mâles de 2 ans qui ne se
manifestent de la sorte que vers 4 ans, et, plus étrange encore, ce
même appel émis par... une jument de 2 ans ! Est-ce que les
chevaux reproduisent des scènes auxquelles ils ont assisté ?
Est-ce qu'ils se mettent dans la peau de l'acteur ? Impossible
de savoir mais ce travail original nous amène sur des pans
inexplorés de la vie mentale des chevaux."
"Si
l'on pouvait interroger directement l'animal, nous nous épargnerions
bien des hésitations, des doutes et des tracas. La communication
intuitive, animalière ou autre télépathie, prétend y parvenir.
Son engouement est tel actuellement que je me dois de l'aborder même
si ce sujet sort du registre scientifique à l'heure où j'écris ces
lignes. J'ai justement vécu des expériences dans ce domaine avec
Kako, je peux donc apporter mon témoignage. Pour couper court à
tout débat qui consisterait à savoir s'il faut y croire ou pas, je
vais être claire : personnellement, je ne nie pas l'existence
d'un tel mode d'échange. Ce n'est pas parce que la science n'en a
pas démontré l'existence qu'il s'agit forcément d'ésotérisme.
Avant la découverte des ultrasons, on ignorait comment faisaient les
cétacés pour communiquer sur des milliers de kilomètres, ou les
chauves-souris pour chasser dans l'obscurité. Alors peut-être qu'un
jour on saura expliquer l'inexplicable grâce à de nouveau outils de
mesure. J'entends aussi que sans preuve, on refuse d'y croire. Mon
propos n'est pas là. Je précise toutefois que je suis réservée
sur cette pratique, car j'y vois des dérives possibles, notamment
celle d'aller aux facilités de raisonnement sans chercher à
réfléchir par soi-même. De ce fait, plutôt que de se former, se
questionner, se remettre en question, de plus en plus de
propriétaires d'animaux ont recours à des spécialistes de la
communication animalière. Ainsi, ils vont demander si leur cheval
souhaite venir dans telle pension ou s'il veut bien être acheté par
une autre personne, ou ce qu'il aime faire. Or les réponses seront
parfois déterminantes pour l'avenir du cheval si le cavalier suit à
la lettre ce qu'on lui a transmis, faisant fi du bon sens, je dirais,
animalier justement. Le foisonnement de ces télépathes est
également inquiétant et les lectures données de ce que "dit"
l'animal sont souvent d'une banalité déconcertante : mon
cheval préfère être au pré que d'aller travailler, il trouve son
propriétaire préoccupé, il a vécu un traumatisme, etc. Mon
inquiétude se porte aussi du côté humain. Ces personnes qui se
découvrent un don outrepassent parfois leurs compétences et se
permettent de formuler des propos culpabilisants ou très personnels
à l'égard des propriétaires. Sous prétexte de venir en aide à un
animal, je trouve inacceptable de maltraiter une personne par des
mots, quelques fois lourds de conséquences psychologiques. Vouloir
aider la relation entre deux êtres consiste, à mon sens, à
accompagner l'un et l'autre et à proposer des solutions plutôt qu'à
faire état de constats sans issue. Je referme cette parenthèse."
"[…]
ce n'est pas parce qu'un cheval exécute des exercices en liberté
que la qualité de la relation avec son humain est bonne du point de
vue de l'animal. […] L'emprise psychologique est tout aussi
valable. Elle n'a encore jamais été étudiée chez le cheval,
encore moins mise à jour. Jean-Claude Barrey, formateur en
éthologie, l'a évoquée comme hypothèse dans le travail effectué
en rond de longe quand on fait fuir le cheval et qu'ensuite il suit
l'humain. Sans forcément abonder dans le sens des dommages cérébraux
causés par cette technique ni parler de syndrome de Stockholm ce qui
paraît abusif, il est possible de faire obtempérer un cheval sans
que celui-ci n'ait une quelconque sympathie pour l'humain. Avec des
conditionnements bien menés, on peut froidement parvenir à ses
fins. […] Baser sa technique sur la peur et la fuite donne de très
bons résultats, si seul le résultat est le but. Utiliser une
technique similaire en dosant ses demandes à l'animal et en
s'adaptant à ses réactions pour éviter la peur donnera un résultat
similaire en apparence, mais le comportement de l'animal à l'égard
de cet humain sera différent."
"Une
idée fixe a émergé avec les approches des chuchoteurs, celle de
"se faire respecter" du cheval. Je pense qu'elle est
l'alter ego du concept de dominance qui sévit encore dans le milieu
canin de nos jours et qui continue à alimenter des débats. Il
s'agit de s'imposer à l'animal comme un supérieur hiérarchique
comme cela se ferait dans son groupe social. A nous la préséance
pour marcher devant et être obéi au doigt et à l’œil ! Or
ce concept est rejeté par les scientifiques car il met sur le même
plan des interactions au sein de l'espèce (intraspécifiques) et
entre deux espèces, l'homme et le chien ou le cheval
(interspécifiques), ce qui n'a aucun sens : le chien ou le
cheval ne nous prend pas pour un congénère, pas plus que nous ne le
prenons pour un humain. Par ailleurs, la relation de dominance permet
au dominant d'une paire de congénères d'accéder prioritairement à
une ressource que tous deux convoitent : nourriture, partenaire
sexuel, abri... Avons-nous envie de la gamelle de notre chien ou du
foin de notre cheval ? Non. De plus, évoquer les relations
sociales intraspécifiques uniquement sous cet angle, c'est omettre
toute la richesse et la complexité des affinités. Ainsi le partage
de ressource devient possible même entre un dominant et un dominé !
J'ajoute que les animaux ne sont pas "livrés" avec les
codes de leur propre espèce, ils ont besoin de plusieurs années
pour être opérationnels et savoir comment se comporter en groupe.
Alors avec une espèce différente, il en va de même, ils doivent
apprendre ! Ce qui me chagrine encore davantage se rapporte à
la sémantique. "Se faire respecter" et "dominer"
évoquent une violence latente. En effet, entre eux, les animaux ont
des comportements agressifs pour faire respecter leur rang, du moins
au début. Cet aspect là est mis en avant par des professionnels
pour encourager à être "aussi ferme que nécessaire".
Certains l’interprètent comme l'usage de la force pour soumettre
l'animal. Oui, il est nécessaire d'instaurer des règles de vie
commune, avec un chien ou un cheval, mais par de l'apprentissage
progressif, sans se prendre pour la "jument dominante" ou
le "chef de meute"."
"En
rencontrant des chevaux qui ne viennent pas vers les humains, qui
même les fuient s'ils voient un licol, j'ai pris conscience de la
volonté d'échanger avec l'humain pour Kako et inversement, de ne
rien laisser paraître chez ces chevaux distants. […] En leur
montrant que l'humain fait des choses plaisantes pour eux, ils
finissent par changer d'attitude et cherchent à interagir, même des
chevaux de plus de 20 ans. […] J'en reviens à l'importance de la
prédictibilité (ils trouvent de la clarté chez certaines personnes
qui pouvait faire défaut à d'autres et cela les rassure) et
l'équilibre entre les événements agréables et désagréables :
pour ces chevaux, encore plus que pour les autres, il faut les
"payer" souvent, et proportionnellement avoir très peu
d'événements aversifs."
"David
Lichman, un homme de cheval américain, jovial et talentueux, utilise
cette idée d'engranger des économies quand on fréquente un cheval.
Un jour ou l'autre, on aura besoin de lui demander des choses, pas
toujours agréables, qui seront alors débitées de notre compte. Si
ce compte est mal approvisionné, on recevra peu..."
"Face
aux problèmes de peur de son noiraud, il a revu à la baisse ses
prétentions équestres afin de mieux s'adapter à son profil. […]
Il souligne que le renoncement est une question fondamentale de
l'équitation. Je partage ce point de vue et j'ai repensé aux
différentes choses que je pensais faire avec Kako et que j'ai choisi
de ne pas poursuivre ou d'entreprendre. […] Il n'est pas facile de
se détourner de son objectif, on peut le vivre comme un échec. Mais
passé ce moment, je crois plus juste et plus noble de parler de
"s'adapter" à l'animal que l'on rencontre, à qui il est,
comme une manière de le respecter pour aller plus loin ensemble, sur
des chemins auxquels on ne songeait pas forcément auparavant."
Voilà, ça vous donne une idée de la qualité de cet ouvrage. Je vous encourage vivement à le dévorer à votre tour.