Nous imposons aux chevaux et aux poneys
des cavaliers sous l'autorité desquels ils sont censés se placer
dès la première seconde. Nous nous imposons comme référence
absolue dès l'instant où nous apparaissons dans le champ de vision
de ces êtres beaucoup trop conciliants.
Imaginez un peu : Vous rencontrez
quelqu'un de caractériel, inconstant, incapable de concentration ni
de réflexion, sans aucune expérience, brutal et insouciant des
risques et des conséquences de ses gestes et demandes.
Demandez-vous un instant quelle serait
votre réaction si l'on vous annonçait qu'il vous faut lui obéir
dorénavant sous peine de corrections multiples.
"Montre-lui que c'est toi le
chef !" Une des phrases typiques des poneys clubs. Le
"chef" essaie de le montrer, tout en se trompant d'exercice
trois fois, obligeant ainsi sa monture à partir à droite, à faire
un demi-tour disgracieux pour retourner au vrai point de départ puis
refaire un même demi-tour parce que finalement c'était bien le
repère bleu qu'il fallait viser. Tout ça pour s'arrêter sans
ménagement et attendre que le "chef" attrape une balle en
perturbant l'équilibre de son poney, sans oublier de râler quand il
bouge un sabot pour essayer de compenser.
Et cela cent fois dans l'heure,
quelques quatre heures par jour.
C'est étrange, que ces stupides
animaux ne veuillent pas mettre leur bonne volonté à notre service.
"Mauvais poney !"
Galop !!
*part au galop*
Tourne !
*tourne*
Mais reste au galop ! *repart au galop*
Hé, tu va trop
vite ! *ralentit*
*Évite une barrière dans laquelle les ordres
du cavalier ordonnaient involontairement de rentrer* Attention !
*déviation et ralentissement brutal pour ne pas tamponner un autre
couple*
galop ! *repart au galop*
*accélère après avoir senti
des jambes s'accrocher à ses flancs*
Hé mais il est fou ce cheval !
Tout ça pour des cavaliers qui avec un
peu de chance penseront à remercier leur monture, et qui de toute
façon céderont les rênes à un nouveau chef d'une heure, qu'on ne
reverra plus pendant un mois et qui ce délai passé trouvera qu'on
était mieux "avant".
Le pouvoir que l'on s'accorde sur ces
êtres pensants n'est pas légitime. Dans chaque cavalier règne
intimement le sentiment de la suprématie de la race humaine sur
toutes les autres formes de vies. C'est à partir de cette base que
l'on fonctionne, sans douter un instant du rôle de chacun. Les
peluches vivantes doivent nous respecter, gare aux crimes de
lèse-majesté, aux blasphèmes !
"Ce cheval est vraiment
irrespectueux !" Je l'ai dit et pensé à de nombreuses
reprises, y compris lors d'un premier contact avec tel équidé ou
tel autre. Car bien sûr, même si je débarque sans me présenter
dans sa vie, lui demandant de répondre à mon caprice du moment et
le tout avec le sourire, il n'a aucun droit de douter ou d'hésiter.
Bien sûr puisque je suis une humaine pure souche, de parents humains
en grands-parents humains.
Alors qu'il s'arrête pour attraper une
touffe d'herbe quand moi je suis pressée de le ramener dans son
paddock, pas question ! Par contre il a intérêt à s'arrêter
net quand je stoppe pour saluer un piéton arrivant en sens inverse,
c'est quand même dans l'ordre des choses !
C'est toute mon éducation de cavalière
et d'enseignante qui m'a bourré dans le crâne que chacun sa place,
que le cheval était un merveilleux esclave dont les quelques
velléités de liberté devaient être évitées, résorbées, sous
peine de chutes, de mal de dos et d'orgueil. J'essaie de me
déprogrammer au fur et à mesure.
"Les poneys sont tous pareils",
"Je les connais par cœur ces chevaux là." Vraiment ?
C'est vrai que c'est plus pratique pour l'application d'une méthode
aveugle, combien de chevaux losanges ont ainsi du entrer dans un
moule carré jusqu'à explosion ?
C'est déjà assez fâcheux de se faire
imposer une quelconque baudruche agitée comme chef pendant une
heure, voilà en plus que la baudruche croit nous voir nés et élevés
tous dans le même box, livrés clefs en main.
Nous cherchons (si nous oublions de
l'imposer) le respect et la bonne entente avec notre cheval, encore
faut-il le distinguer de tous les autres et le laisser nous parler de
lui. Oubliez un peu les astuces et techniques ultimes pour obtenir ce
que vous voulez de n'importe quel cheval. Appliquez-vous d'abord à
voir, sentir, écouter, communiquer. Rencontrer l'âme de celui avec
lequel vous voulez passer un bout de temps, ça ne sera pas facile.
Il n'y a pas d'exercice pour cela.
Je fais et continuerai à faire des
erreurs, mais je ne considère plus le respect et la coopération de
nos chevaux comme un dû. Leur accorder notre confiance, c'est
vraiment la moindre des choses que nous puissions faire, et c'est
mignonnet.
Essayons de leur donner de bonnes
raisons pour faire la même chose à notre égard ! Confiance et
respect, tout cela se mérite, dans les deux sens.
C'est un vaste programme, c'est sûr !